Hier soir avait donc lieu le dîner réunissant Valérie Pecresse, ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Bernard Benhamou, délégué aux usages de l'Internet, quelques conseillers de la ministre, ainsi qu'une quinzaine de blogueurs, dont votre serviteur.

Pas de révélations fracassantes lors de ce dîner : la ministre a d'abord brièvement réaffirmé sa vision de l'Internet, et son projet de faire rentrer l'Internet dans tous les foyers français. Pour Valérie Pecresse, "on est à la croisée des chemins, et on n'est pas très bons en terme d'équipement des ménages" : "47% de connectés, ce n'est pas assez". D'ailleurs la fracture numérique à son sens "n'a jamais été aussi grande que maintenant".

La ministre se pose un certain nombre de questions : "Comment développer l'équipement des ménages ?" "Quel rôle pour l'Europe, et quelle ambition la France porte-t-elle concernant les technologies de l'information?" "Que sera le net 3.0, le web de demain, l'internet des objets ?" "Qu'est-ce qu'on fait pour les personnes âgées ?" "Quelle perspectives technologiques ?" Eric Dupin fait pertinemment remarquer qu'avant de vouloir équiper les ménages, il faudrait dresser une typologie des non-connectés, pour mieux cerner leurs besoins. Pour Gilles Klein, qui croit aux terminaux mobiles, "tout ne passe pas par l'ordinateur". Fredéric Cavazza reste persuadé que le web mobile est réservé à une utilisation d'appoint ; certains convives ne sont pas d'accord.

La discussion s'est ensuite poursuivie de façon très informelle, abordant successivement les questions de l'identité numérique, du haut débit, de l'internet mobile,du droit de l'internet, de l'usage du web par les seniors, de l'hégémonie Google...

Parmi les points positifs de cette soirée, outre l'initiative en elle-même : une ambiance décontractée, un vrai dialogue (tous les sujets étant "open" pour reprendre les termes de la ministre) et bien sûr des convives tous passionnés par le web. Bref une très bonne prise de contact.

Par contre, je trouve dommage que les discussions n'aient pas plus porté sur les questions de formation et de savoir, et sur les problèmes d'aujourd'hui (plutôt que sur l'internet de demain). Le profil des convives, plutôt geek et "2.0", y est sûrement pour quelque chose. Il est également regrettable qu'aucun blogueur du monde de l'enseignement, de la recherche ou de la formation n'ait été présent (Olivier j'aurai vraiment apprécié te voir à ce diner).

Parmi les point que j'aurai voulu aborder (et que je n'ai pas pu, faute de temps) :

  • Il y a vraiment besoin de former à la recherche d'information : Si n'importe qui sait taper une requête dans un moteur, rares sont ceux qui savent véritablement chercher.
  • L'accès direct à une quantité illimitée d'information rend nécessaire une formation à l'analyse critique de cette information. Ce n'est pas parce qu'une information est reprise partout ou qu'elle est en 1ère position dans Google qu'elle est valide.
  • Une reflexion est à mener sur la tendance chez les étudiants (et parfois même chez les profs) au copier-coller (on parle maintenant de TJ ou "Text Jockeys"). En agrégeant de l'information de façon superficielle, on la fait circuler, mais on ne la fait pas sienne.
  • Il faut pousser à la diffusion du savoir, inciter les chercheurs et enseignants à publier sur le web et de façon accessible leurs articles et supports de cours. J'arrive très facilement à trouver de l'information outre-atlantique puisque les chercheurs ont en général une page personnelle sur le site de leur université (exemple d'une page parmi tant d'autres). Ce n'est pas le cas semble-t-il en ce qui concerne la France et lorsque l'information est publiée, elle tombe souvent dans le web invisible.
  • On parle de mettre le web à portée de seniors : pourtant le decrêt d'application de la loi de fevrier 2005 relative à l'égalité des chances tarde à être publié. La ministre compte-elle accélérer les choses ?

Toutes ces questions nécessitent bien sûr une reflexion poussée, et on ne va pas refaire l'Internet en un dîner. C'est pourquoi j'ai émis l'idée auprès d'Edouard de Pirey, conseiller de la ministre d'organiser de nouvelles rencontres plus longues avec une sélection plus restreinte et plus ciblée de blogueurs spécialistes, blogueurs qui pourraient proposer d'autres spécialistes, éventuellement d'une notoriété moindre, mais d'une autorité certaine.

Quelques compte-rendus de confrères : Gilles Klein, Frédéric Cozic, Richard Malterre, Eric Dupin